~ we are living parallel lives,
we don't know about each other ~
vingt-trois heures quinze.

Cette émission était une vrai daube. Un ramassis d'andouilles qui se rêvaient chanteurs alors que n'importe quel crétin sous sa douche chanterait plus juste qu'eux tous réunis. Abruti par ce programme tout à fait désespérant, Adriel n'était pas certain d'avoir quoi que ce soit à en déduire, ou peut être uniquement que Sting et compagnie n'avaient pas de soucis à se faire. Mais mis à part ce constat plutôt rassurant, il avait surtout la désagréable impression d'avoir perdu deux heures de sa vie. Quoi que celle-ci se voulait pour le moins insignifiante, alors peut être n'était-ce pas si grave, au final. Il n'en savait rien. Parce que des soirs comme celui-ci, il ne savait même plus quoi penser de son existence. Il n'en était pas satisfait, soit, mais à quel point ? Au point de songer à s’exploser la cervelle avec son fusil de chasse ? Grand dieu non, il estimait valoir mieux que ça. Au point sans doute simplement d'enchainer les aventures d'un soir et les beuveries insondables. Oui, déjà plus. Et aussi peu glorieux soit son mode de vie, il avait souvent tendance à s'en accommoder. Il ne se laissait pas vraiment le choix, à vrai dire. Aller bien était impossible, presque interdit. Il se punissait plus ou moins lui-même de n'avoir pas su retenir les personnes qui avaient compté pour lui. Qui comptaient toujours pour lui. Alors finalement, il méritait peut être de passer de longues et pénibles soirées devant d'odieux programmes. Allez savoir, probablement. Une chose était en tout cas certaine, il n'envisageait pas de passer une minute de plus devant son poste de télévision. Alors il se leva, bien décidé à sortir s'amuser un peu. Mais à peine le brun fut-il arrivé au niveau de son porte-manteau que quelqu'un frappa à la porte. A cette heure-ci, vraiment ? Les gens ne s'emmerdent pas, dites donc. Et Adriel, lui, n'était pas nécessairement curieux de savoir qui pouvait bien juger naturel de toquer chez lui à une heure pareille. Alors il prit tout son temps, s'habillant, se chaussant, se fichant pas mal que des coups retentissent par plusieurs fois. Lui, il n'était pas pressé. Alors il estimait que personne ne l'était. Mais quand finalement il se décida à ouvrir la porte, s'apprêtant à chasser immédiatement tout intrus susceptible de retarder ses plans, Adriel ne put que prendre un air spontanément surpris. Loin d'être n'importe qui, c'était Neven. Merde, que foutait-il là à cette heure-ci ? Est-ce que quelqu'un était mort ? Sans doute. Ce ne serait même pas étonnant. Et, manque de peau, Adriel n'allait pas se transformer en gars sensible pour autant. « Mec, je sais pas ce qui t’amène, mais j'allais sortir, donc ... » Okay, c'était une façon bien merdique de le saluer, surtout sachant qu'ils tentaient l'un et l'autre de retrouver leur complicité d'antan. Adriel, lui, avait toujours autant de mal à faire preuve de bonne volonté, visiblement. « Excuse-moi » soupira-t-il alors, conscient que des efforts devaient être faits dans un sens comme dans l'autre et que la venue de Neven prouvait qu'il était de son coté prêt à respecter sa part du contrat. « Je ne suis pas à la minute, après tout ... » rectifia-t-il à nouveau, dans un sourire maladroit, laissant finalement entrer son ami. Un ami qui l'était moins qu'il y a quinze ans mais qui l'était malgré tout. Le temps n'avait pas eu un effet très bénéfique sur leur relation. Et ils se comprenaient bien moins qu'avant, c'était certain. Mais sans doute n'était-il pas trop tard pour sauver les meubles. C'est justement ce que l'un et l'autre s'employaient à faire depuis quelques temps. « Je suppose que tu ne me rends pas visite à onze heures du soir simplement pour bavarder, alors, que se passe-t-il ? » Oh, il pouvait tout à fait essayer de le deviner, mais voyez vous, il avait tendance à penser qu'il serait naturellement plus simple de lui poser directement la question. Hm, oui, assurément. Pourquoi s'embêter, après tout ?