« Mademoiselle Woods… Nous avons examiné votre projet de près et nous ne pouvons pas financer le voyage scolaire que vous nous proposez… C’est votre première année d’enseignement et vous vous rendrez très vite compte qu’emmener une soixantaine d’élèves en Espagne n’est pas envisageable pour notre établissement sans financements extérieurs. » Je ne réfléchissais pas à ce que j’allais dire, je répondais du tac au tac. « Je financerais le voyage de A à Z… » Peut-être que le fait d’être professeur depuis le début de l’année m’influençait dans ma décision mais je tenais à offrir cette occasion à mes élèves, ils étaient motivés, intéressés et avoir eu une expérience à l’étranger était un excellent moyen de développer leur manière de parler, de perfectionner leurs accents et d’améliorer leurs compétences tout simplement. L’argent n’était pas un problème pour moi, mes parents étaient tous les deux très riches et pas avares. Etant fille unique j’avais toujours obtenu d’eux une tonne d’argent si bien que j’étais déjà quasiment milliardaire, il ne me manquait plus qu’une petite centaine de millions de dollars pour atteindre cette fameuse barre qui ferait de moi quelqu’un de très riche, je n’étais pas non plus intéressée par l’argent, bien au contraire. Plus généreuse et dépensière que moi ça n’existait pas. Une preuve ? J’étais sur le point de signer un chèque de soixante mille dollars pour emmener une partie de mes élèves de dernière année quinze jours en Espagne. Ma vie à New-York était parfaite, mes copines étaient exceptionnelles, je me trouvais très chanceuse d’avoir des filles aussi gentilles et peu superficielles qu’elles, ma maison j’avais pu la construire suivant mes besoins et je me sentais complètement intégrée à mon entourage. Pourtant, il avait suffi d’un appel pour que tout s’écroule, ma vie à New-York était momentanément terminée. Le téléphone vibrait dans ma poche, en plein cours je jetais un rapide coup d’œil sur mon iPhone, c’était ma grand-mère, étrange qu’elle me téléphone en pleine journée alors qu’elle connaissait mon emploi du temps. Je m’excusais auprès de mes élèves quittant la pièce pour rejoindre la cour intérieure après quelques étages descendus. « Oui, tout va bien ? » Je ne sais pas pourquoi mais j’avais un mauvais pressentiment, comme si j’avais deviné qu’elle avait quelque chose de très important et difficile à me dire. « Je suis désolée de te déranger ma chérie mais… J’ai reçu mes examens et… Ce n’est pas une baisse de tension… C’est un cancer… » Mon monde s’écroulait en moins de temps qu’il n’en fallait pour le dire, le temps autour de moi me semblait infiniment long. « J’arrive demain soir… Le temps de préparer mes valises ! » Même si j’aimais énormément mes parents la personne qui était derrière mon éducation n’était autre que ma grand-mère. C’est chez-elle que j’avais passé le plus de temps, toute mon enfance j’avais été partagée entre New-York lorsque mes parents n’étaient pas trop occupés par le boulot et Cascade Locks, ville dans laquelle ma grand-mère s’était installée. Je n’étais quasiment pas revenue ici depuis sept ans, je passais en coup de vent pour prendre ma grand-mère et partir en vacances en France, en Espagne qui était notre pays d’origine nous, la famille d’immigrés. Difficile à croire avec le nom de famille Woods mais à la base je m’appelais Katharine Letty Alvez. A notre arrivée et après la régularisation de mes grands-parents nous avions tous changé de nom. « Ce n’est qu’un cancer du sein… Ne t’inquiète pas pour moi ma chérie… Je peux me débrouiller toute seule ! » Je serais le poing. « La question n’est pas là… Tu ne resteras pas toute seule alors que tu vas devoir te faire opérer. »

Malgré toutes les oppositions de ma grand-mère j’avais pris ma décision ce jour-là, le week-end suivant je déposais mes valises. Mon arrivée date à présent de deux semaines, quinze petits jours et l’opération était seulement planifiée. Au départ je pensais repartir après l’opération mais j’avais changé d’avis, je voulais prendre le temps de profiter de cette femme qui m’avait tant appris, je resterais jusqu’à ce qu’elle ne se décide à nous rejoindre à New-York lorsqu’elle serait trop âgée pour faire certaines choses. Je ne voulais pas la mettre en maison de retraite, pas avant qu’elle ne soit plus capable de faire certaines choses trop personnelles, lui faire à manger, le ménage étaient des choses que je voulais faire pour elle, c’était tellement normal à mes yeux que je n’avais pas besoin d’y réfléchir. Sur le plan professionnel après avoir abandonné mon poste à New-York je m’apprêtais à remplacer un jeune retraité, la parfaite occasion pour débuter une vie dans cette petite ville qui avait bercée mon enfance.