Je suis né à Cascade Locks. J'y ai vécu toute mon enfance. Mon père était pompier et ma mère, instit'. Elle adorait tellement son boulot, qu'il lui arrivait d'accepter des enfants à la maison, en dehors des heures de classe. Ce qui fait que malgré le fait que je sois fils unique, je n'ai jamais grandi seul. J'ai toujours eu un camarade de classe pour s'amuser avec moi. Et puis ma mère adorait les gosses. Je crois qu'elle a toujours été blessée de ne pas avoir d'autres enfants. Je pense qu'elle aurait aimé avoir un autre enfant mais la vie en a décidé ainsi. Quoiqu'il en soit, j'ai eu une enfance insouciante et je n'ai jamais manqué de rien. Je n'ai jamais manqué d'affection. A l'école, j'étais un gosse assez turbulent. J'avais beaucoup de mal à rester concentrer très longtemps. A vrai dire, j'étais intelligent mais je préférais passer mon temps dehors, avec mes potes, qu'enfermé entre quatre murs. En grandissant, j'ai pas mal séché les cours. Mon père tentait de canaliser mon énergie. Il m'a donc inscrit chez les secouristes. Je faisais parti des jeunes pompiers de la ville. J'ai toujours été fasciné par le métier qu'exerçait mon père. Il était mon modèle et dès mon plus jeune âge, j'ai su que je voulais faire la même chose que lui. Mais ma mère voulait à tout prix que je me reprenne au niveau des études. C'est ce que j'ai fais et j'ai pu continuer à faire partie des soldats du feu.

Les années ont passé et je suis entré au collège. Je n'avais pas la bosse des études. A vrai dire, l'école m'ennuyait toujours autant mais j'avais fais une promesse à ma mère. J'obtenais mon diplôme de fin d'étude et je revenais à Cascade pour entrer officiellement dans les pompiers. J'avais accepté ce deal. Et cela m'a permis aussi de prendre des cours de médecine pour être secouriste. J'avais une bonne tête mais les choses que j'apprenais m'ennuyer, contrairement au cours auxquels j'assistais à l'université du Texas. C'est là bas que j'ai rencontré Lauren. Je me souviens encore très bien de ce moment là. Elle était là, assise dans le parc, un bouquin sur les cuisses. Elle avait déjà cette manie de tripoter sa frange de cheveux. J'ai été l'aborder comme un gros lourdeau. Elle s'est foutue de moi et m'a laissé en plan. Je les regardais repartir en cours mais j'ai su, à ce moment là, quand elle s'est retournée vers moi, un grand sourire aux lèvres, que c'était elle, la femme de ma vie. A force de persévérance, j'ai réussi à la convaincre qu'il y avait autre chose dans la vie, que les études. On s'est marié quatre mois plus tard. Ses parents étaient fous de rage et les miens, un peu pris au dépourvus. Ils pensaient qu'on était trop jeunes pour se marié. Nous avions à peine vingt ans mais j'étais certain de mon choix et Lauren aussi. C'était tout ce qui m'importait.

Mon diplôme en poche, je suis revenu à Cascade mais pas pour la raison initiale. Mon père, a succombé à une crise cardiaque après l'inhalation de fumée toxique après un feu. Mon mère était effondrée et je suis resté quelques temps en ville pour l'aider. Heureusement, elle a toujours été une femme forte et bien entourée, elle a relevé la tête. Lauren est venue quelques semaines. Elle avait reçu une proposition d'embauche dans un cabinet d'architecte de Chicago. Ce boulot lui tenait à coeur alors j'ai quitté Cascade pour la rejoindre. J'ai été transféré dans une caserne de Chicago. Nous nous sommes installés en ville, dans un immeuble historique en vieilles pierres. J'adorais cet immeuble. Certains soirs, on se posait sur les marches de l'escalier de secours et on se racontait nos journées. C'était cette vie simple dont j'avais rêvé. J'étais très heureux. Encore plus quand Lauren m'a annoncé qu'elle était enceinte. Pour moi, notre vie ne pouvait pas être plus parfaite. J'avais envie que tout cela continue. Je n'étais donc pas préparé à ce qui se passait quelques mois plus tard.

La nuit était bien avancée quand j'ai senti le lit bouger. Lauren m'a réveillé. Elle perdait du sang. Il y en avait plein sur les draps. J'étais paniqué mais j'étais secouriste. Je devais garder mon sang froid, surtout parce que je ne voulais pas que ma femme prenne peur. Alors je l'ai aidé à s'habiller et nous sommes allées à l'hôpital. L'accouchement se présentait mal. Lauren est morte en mettant au monde, deux adorables petites filles. J'étais dévasté. Je perdais l'amour de ma vie et je me retrouvais seul pour élever Violet et Emily. Des enfants qu'on avait attendu et pour lesquels on avait fait tant de projets. Plusieurs fois les mois suivants, j'ai voulu abandonner. J'ai pensé à les mettre à l'adoption parce que j'étais incapable de concilier mon boulot qui me prenait pas mal de temps et les filles qui avaient besoin de beaucoup d'attention. Mais j'étais incapable de me séparer de mes filles. J'étais certain que Lauren m'aurait haï si je les avais laissé à l'assistance publique. Finalement, j'ai décidé de partir pour Cascade Locks. Ma mère était à présent à la retraite et elle pouvait s'occuper des filles pendant que je travaillais. Puis pour elle aussi, c'était une seconde vie. Elle adorait ses petites filles et elle les gâtait d'attention et de câlins comme elle l'avait fait avec moi.

Les filles ont sept ans à présent. Cela fait autant de temps que je suis à Cascade Locks. J'ai retrouvé ma ville natale. J'ai loué une maison dans un quartier calme à quelques minutes de chez ma mère. J'ai réussi à devenir un bon père. Enfin j'essaie. Je fais en sorte que mes filles ne manquent de rien. Avec le temps, j'ai appris à vivre sans leur mère. Mais elles me posent souvent des questions, surtout Emily. Violet est un peu moins expressive. Elle est assez secrète, un peu comme je l'étais à son âge. La vie a repris son cours. Mais c'était sans compter sur cette série de meurtre qui touche la ville. Je suis devenu encore plus vigilant. Je rechigne souvent à laisser Violet et Emily jouer dehors quand je suis occupé ailleurs. Elles comprennent bien même si à leur âge, je ne leur ai pas expliqué tout ce qui se passait dans les bois. Elles sont trop jeunes pour comprendre. Quant à moi, je reste vigilant, même quand je suis hors du boulot. Mais je refuse de succomber à la paranoïa qui gangrène la ville.