Il était tard et Adriel ne savait pas tellement quoi faire de sa peau. Oh bien sûr, il pouvait tout à fait rester devant sa télévision et dévorer un programme terriblement niais pour au final s'endormir sur son vieux canapé. Ou bien, il pouvait tout autant se rendre au bar nocturne, s'y saouler, baiser la première fille venue dans les chiottes et se battre avec un ou deux guignols avant de rentrer chez lui. Ce programme-ci était une habitude pour lui, alors il avait en quelques sortes envie de changement. C'est pourquoi il n'enfila pas son blouson pour se rendre au bar mais plutôt pour prendre la direction de la plage. Il comptait alors se rendre au phare, mais n'ayant aucun bateau à sa disposition, il s'était dit qu'il ferait tout aussi bien de longer la côte rocheuse pour y accéder, à quelques minutes de là où il se trouvait. Il se mit alors en route, ralenti par le froid et l'humidité de l'air qui n'arrangeaient rien au rhume qu'il pensait avoir attrapé à force de se balader en forêt, et ne tarda pas à apercevoir la lumière du phare, à quelques dizaines de mètres devant lui. Accélérant le pas lorsqu'il sentit quelques goûtes de pluie tomber, il eut tout juste le temps de se mettre à l'abri lorsqu'une averse s'abattit sur la ville et que le vent se fit plus sévère. Essoufflé par cette accélération un peu forcée, il ne remarqua pas tout de suite que certaines affaires se trouvaient être disposées tout près de là où il se trouvait. Car à cet instant précis, il ne pensait qu'au temps qu'il faudrait pour que la tempête cesse, lui qui était venu à pied, et naturellement sans capuche ni parapluie. Autant il pouvait parfois apprécier la pluie, autant il ne se portait pas plus mal lorsque celle-ci prenait congé. Mais tandis que le jeune homme se débarrassa de son blouson, il remarqua qu'un anorak était accroché. Dans un froncement de sourcils témoignant de sa perplexité, il se souvint brusquement avoir aperçu un bateau tout près du phare. Quelqu'un avait du venir par la mer et devait présentement se trouver ici. Et tandis que cette pensée lui traversa l'esprit, il releva doucement les yeux pour que ces derniers trouvent rapidement une silhouette féminine clairement familière. Il s'agissait là de Saddie, une jeune femme qu'il connaissait depuis bon nombre d'années et avec qui les rapports ne furent pas toujours des plus agréables. Disons qu'il avait eu, à une époque, quelques mots malheureux au sujet du défunt père de la jeune femme. Sa rancœur avait parlé à sa place et il n'avait cessé de s'en vouloir depuis ce fameux jour, bien qu'il se soit toujours bien gardé de le lui faire savoir. Quoi qu'il en soit, c'est en toute discrétion qu'il s'avança vers elle, constatant qu'elle avait tout prévu pour patienter dans le plus grand confort. Déposant bientôt une main sur la frêle épaule de la jolie brune, il se plaça dans son dos et glissa quelques mots à son oreille. « Je sais que tu m'attendais. » Son ton était équivoque, mais il ne se voulait pas nécessairement dragueur pour autant. C'était simplement une manière comme une autre de s'annoncer, profitant de l'intimité des lieux pour jouer la carte du type immédiatement intéressé. En soi, il l'était peut être, mais il n'avait pas pour habitude de foncer aussi maladroitement. Là, c'était plus un jeu pour lui. « Hm, l'endroit est délicieusement intime, la compagnie des plus agréables ... j'en oublierais presque qu'un temps de chiotte me retient prisonnier de ce sordide phare. » Doucement, il s'éloigna de quelques pas, laissant son regard balayer l'ensemble de la pièce et le reportant intensément sur la silhouette de la jeune femme. « Il ne manque qu'une personne pour que mon bonheur soit parfait ... » commença-t-il, s'adossant bientôt au mur le plus proche. « ... ton père. » Un sourire mesquin gagna subitement ses lèvres, tandis qu'il fourra ses mains dans ses poches. « Quel dommage que le vieux con ait clamsé, ma chérie. » Et là, il venait probablement d'être élu "plus gros connard de la ville", mais cela lui importait peu. La provocation, il aimait ça. Ça l'excitait, en fait.