I think we're in real trouble.
I don't know how this started or why,
but I know it's here and we'd
be crazy to ignore it...

Enveloppée dans une couverture dépareillée, tu observes la scène qui se passe devant toi. Les hurlements de tes parents résonne en écho dans la pièce. Tu ne comprends pas vraiment ce qu'il se passe, en même temps, du haut de tes quatre ans, on ne te demande pas de comprendre. Ta mère se fais injuriée de noms que tu préfères taire en ces lieux. Tu fermes les yeux lorsque le moment que tu redoutes le plus arrive enfin. Tu poses ta tête contre le vieux canapé, ton visage tourné vers le mur en bois. Tu devines aisément ce qu'il se passe, tu l'as vu maintes et maintes fois. Finalement, on te tire et le regard furieux de ton père croise tes yeux de pauvre gamine effrayée. « Qu'est ce que tu fous là toi ? » hurle ton géniteur. Tu préfères ne pas répondre à cette interrogation, d'ailleurs, il te jette comme un vieux tas de chiffons contre le dossier du canapé et sort en claquant violemment la porte. Tu tournes légèrement la tête, ta mère se relève, le visage amoché. Tu l'observes avec curiosité tandis qu'elle essuie d'un revers de la main le sang coulant de sa lèvre inférieure. Tu ne fais aucun geste qui puisse être rassurant ou même tendre. Elle te fais un faible sourire avant de caresser tes cheveux et de sortir de la pièce. Pour toi, c'est ça l'amour de ton point de vue de gosse. Au plus tu as mal, au plus on t'aime.

Ton enfance est donc rythmée par de la violence conjugale. Le pire, c'est que ta mère aime ton vieux et elle n'arrive pas à se détacher de lui même si il la bat sous le coup de la colère. Toi il ne t'as jamais touchée, tu es sa petite princesse, celle à qui il pardonne le moindre méfait. Il arrive qu'il t'empoigne et ancre son regard assassin dans tes yeux d'enfants mais jamais il n'oserait te frapper, comme il frappe ta mère. Ils ont tout les deux une façon différente de t'aimer, c'est étrange. Ton père t'emmène souvent à la chasse avec ton grand père, tu les observe faire, un accident est si vite arrivé disent-ils. Quand tu es avec ta mère, c'est différent. Elle se montre tendre presque guimauve. Elle a besoin de te prendre contre elle, de te rassurer alors que tu n'en as pas besoin. C'est donc dans cette atmosphère des plus étranges que tu as grandie. Tu es une gamine assez étrange. A l'école, on ne t'aimes pas vraiment, enfaîte on a un peu peur de toi. Tu ne fais rien de bien spécial pourtant, mais c'est ton aspect assez sombre qui empêche les autres de venir vers toi. Faut dire que tu as le don aussi pour faire fuir les autres, c'est pas en discutant du fait que tu as déjà vu du sang couler ou que la mort et les macabés te fascinent que tu te feras des amis. La solitude te gagne peu à peu. Et les choses finissent par changer. Ta mère se casse de la maison. Tu te retrouves seule avec ton père. C'est pas plus mal à vrai dire et lorsque ton père pose une main réconfortante sur ton épaule, tu ne peux t'empêcher de lui adresser un beau sourire. Heureusement que ta mère ne t'as pas emmenée avec elle. Tu es rassurée.

Rouge, noir, des jets, des coups, ploch plich plach. Tu te recules, souriante. Tu es fière de ton oeuvre d'art. Un ciel rouge ombré, une silhouette féminine se tortillant dans des espèces de flammes noircies. A faire froid dans le dos. La peinture est devenue ta libération, ton quotidien, une confidente silencieuse reflétant ta personnalité nuancée de gris et même d'ébène. Tu peins pendant des heures et des heures, on se demande même si tu trouves encore le temps d'avaler quelque chose entre deux coups de pinceaux. Tu es devenue belle, une beauté pâle, élancée aux grands yeux sombres. Tu vis seule dans une petite cabane, tu n'as pas énormément d'argents. Ton père t'a laissé peu de choses après sa mort. Juste de quoi t'acheter le strict minimum. Généralement, tu achètes ton matériel de peintures avec ce fric car c'est ta passion qui te fait vraiment vivre. Ta nourriture, tu la chasses. Tu gardes quelques sous de côté pour t'acheter quelques fringues, tu ne veux pas non plus ressembler à une sauvageonne. Surtout lorsque la solitude se fait trop sentir, tu enfiles ta plus belle robe pour aller sillonner les bars et ramener un mâle qui sera te combler pendant la nuit. Le seul contact charnel qui te fait garder pied avec la réalité. Le lendemain, c'est déjà fini. La jolie provocatrice aux courbes parfaitement dessinées et aux sous-entendus plus qu'intime disparaît, remplacée par l'étrange fille macabre dansant entre rêve et réalité. Quant à ses meurtres, tu ne peux pas nier que cela t'angoisse un tantinet, mais cela te procure en même temps de l'inspiration et une adrénaline insoupçonnée. Tu ne changerais pas tes habitudes simplement pour quelques cadavres. Oh que oui tu es étrange, tu terrifies presque, mais après tout, c'est ce qui fait ton charme ma belle.