Je respirais un grand coup, portant toute mon attention sur la cible, qui n'était rien d'autre qu'une magnifique biche couleur caramel. Je regardais un instant le grand homme qui se trouvait à côté de moi. Il me sourit, avant de me faire un clin d'oeil. Je reportais mon regard sur l'animal, avant d'appuyer sur la gachette. Le coup de feu partit d'emblée, et fini sa trajectoire en pleine poitrine de la biche. "Excellent Julija." Me fit alors l'homme, qui se trouvait être mon grand-père. Je lui tendis alors la carabine, et il d'ébouriffer mes longs cheveux bruns. Mon grand-père m'avait absolument tout appris sur la vie, très certainement bien plus que mes parents. Chaque jour que je passais aux côtés de cet homme que je considérais comme un modèle, m'apprenait une nouvelle chose importante sur ma vie future. "Maman n'aime pas que tu m'apprennes à tirer." Murmurais-je alors à son encore, pendant que nous nous dirigions vers l'animal, désormais sans vie. Mon grand-père esquissa un sourire avant d'attacher les pattes de la biche avec une corde qu'il sortit de sa poche, pour ensuite la soulever, et la mettre sur un chariot non loin de nous. Il se tourna alors vers moi et s'agenouilla tout en me regardant droit dans les yeux. "Elle veut te protéger, elle ne comprend juste pas que moi aussi." Souffla-t-il avant de me sourire, et de se relever. J'aimais ces moments que je partageais avec mon grand-père, ils m'étaient chers, et toujours il resteront gravé dans mon coeur, car toujours j'entendrais le son de sa voix bourdonnant dans mes oreilles, et la chaleur de ses caresses contre mon coeur.

"Julija, tu es prête ?" Assise contre le mur, je relevais la tête en direction de la longue fenêtre, où je pouvais distinguer deux silhouettes devant une voiture : mes parents. Je soufflais, passant ma main dans mes cheveux pour remettre correctement ma frange. La triste réalité, j'étais en train de l'affronter. Mon grand-père, mon modèle, mon confident, venant de décéder d'une crise cardiaque. Je pouvais sentir un immense vide en moi, comme si l'on venait de m'arracher la part la plus importante de mon existence. Qui me dirigerait dans le bon chemin ? Qui me soutiendrait coûte que coûte ? Qui écouterait toutes mes peines en essayant de les réconforter ? Qui m'aimerait comme j'avais besoin qu'on même ? J'avais l'impression d'avoir perdu une part de moi-même, et cela me détruisait. "Julija, notre avion n'attendra pas trois heures !" S'écria mon père en entrant dans la pièce, furieux que je puisse les faire attendre comme ça. A la mort de son père, il avait décidé de quitter le Danemark, mon pays, notre pays, pour rejoindre le continent nord américain, sans même prendre la peine de me demander mon avis, comme si celui-ci ne comptait pas et que ma vie n'en dépendait pas. "J'arrive." Répondis-je d'un ton sec, me relevant en regardant une dernière fois la pièce qui avait été autrefois ma chambre.

Une larme perla le long de ma joue, j'arrêtais son chemin à l'aide du revers de ma main. Je levais les yeux vers la jeune femme qui se trouvait devant moi, et qui, quant à elle, baissait la tête pour ne pas avoir à croiser mon regard. "Alors, tu veux que ça se finisse comme ça ?" Lançais-je, le ton plein de rancoeur et de peine alors que le vent soufflait sur nos visages, qui commençaient à roser. Elle ne répondit pas. un silence de mort s'installa entre nous, comme si nous n'étions que des étrangères. Je m'approchais d'elle, avant de prendre son menton dans mes mains, et de relever mécaniquement sa tête. Elle me regarda, les yeux embués d'eau, prête à s'effondrer à chaque seconde. "Je-je n'ais pas le choix, ça ne peut pas continuer." Balbutia-t-elle avec difficulté alors qu'elle essayait de regarder dans une autre direction, évitant une fois de plus de croiser mes yeux. Je caressais sa joue empourprée avec mon pouce, avant d'approcher mon visage du sien. Nos respirations ne firent plus qu'un, et délicatement, je posais mes lèvres sur les siennes, l'embrassant alors avec fougue et passion, comme si c'était la première fois. C'était pourtant la dernière. Elle stoppa le baiser, et s'éloigna de moi. "On ne vient pas du même monde Julija ! J'ai un héritage devant moi, une vie avec un mari et des enfants, je n'ais pas le temps pour une histoire de passage." Je fus horrifiée à l'annonce de ces mots, j'aurais mille fois encore préféré qu'elle ne m'aime pas, plutôt qu'elle me quitte par obligations. "C'est donc ça, une histoire de classe sociale." Lançais-je froidement, mettant mes mains dans mes poches. Je m'approchais d'elle une dernière fois, embrassant le bord de ses lèvres. "Je te souhaite une vie heureuse." Dis-je finalement avant de m'en aller au loin.

La voiture s'arrêta. Je descendis de celle-ci, mes talons claquant contre le sol, avant de regarder autour de moi, avec admiration. En face de moi se trouvait une petite maison de couleur beige. Une maison qui se trouvait être désormais en ma possession, ce qui était une grande première. "C'est tout ce que vous avez, mademoiselle ?" Me demanda alors un homme d'une quarantaine d'année qui venait de me conduire devant mon nouveau chez-moi. Je me tournais en sa direction, alors qu'il avait sorti de sa voiture trois valises de tailles différentes. "Oui, je le reste arrivera bientôt." Répondis-je en le graciant d'un sourire avant de lui tendre un billet de trente dollars pour payer la route, et lui donner un pourboire par la même occasion. Il me remercia en inclinant sa tête avant de se diriger vers la portière de sa voiture. "Vous allez vous plaire ici, Cascade Locks est une ville agréable." Fit-il alors avant de rentrer dans son moyen de déplacement, et de me sourire, avant de faire demi-tour et de s'en aller par là où il était arrivé. "J'y compte bien." Finis-je par conclure à moi-même, avant de prendre mes affaires de rentrer dans mon humble demeure. J'étais fin prête pour une nouvelle vie, à Cascade Locks.