La jeune fille était entrain dans le bureau et s'était installé sur le siège, ou plutôt canapé. Comme à chaque séance, elle fixait le plafond et se lançait dans un monologue. C'était le même, à chaque fois.
« Je m'appelle Eileen-Rose Ebony Fitzgerald. Pour mes parents et mes amis, je m'appelle Ebony. Je n'aime pas ce prénom. Je n'aime pas ma vie. J'ai vingt-et-un ans. J'ai été enlevée à dix-sept ans. C'était un jeune homme, brun, toujours souriant, mais qui n'inspirait pas confiance. J'étais chez moi, le jour où j'ai disparu. Du moins, une partie de la journée, je suis allé dans un café pour prendre de quoi grignoter pendant que j'étudie. Mais je ne suis pas rentrée chez moi, ce jour-là. Je n'ai pas pu. Il était là, je l'avais aperçu plusieurs fois en l'espace de quelques minutes. Avant d'atteindre ma voiture, sa main s'était plaqué sur ma bouche pour m'empêcher de crier, et il m'a emmené avec lui. Là où j'ai atterris, je ne pouvais pas crier, appeler à l'aide. Je n'osais même pas parler. Tout ce que je savais, c'est que j'étais perdu, dans cette cabane, au milieu de cette forêt. Tout était noir et moi, j'étais assise sur ce matelas déjà bien usé par le temps. La question que je me posais tout le temps était "Étais-je la première? Et si non, combien sont passés ici avant moi? Combien s'en sont sortis ?" Mais je n'ai jamais eu mes réponses. La journée, il était très peu là, mais je n'osais pas tenter de m'enfuir. Le soir, quand il revenait, il m'imposait ses horaires. Il me rejoignait dans la pièce où j'étais "Tu as une demi-heure, tu fais tes besoins, ta toilette et tu manges. Profite en bien, ce sera la dernière fois jusqu'à demain midi." C'était une horreur et c'était quotidien. J'avais envie de mourir, chaque jour que je passais dans cette cabane. J'y ai passé un an, onze mois et vingt jours. Les pires de ma vie. Un beau jour, je me croyais totalement perdue, mais des voix autour de la cabane m'ont permis de m'en sortir. Depuis ce jour-ci, je n'ai jamais revu cette homme. J'ai quitté ma ville natale, j'ai fuis parce que je suis lâche. J'ai atterris dans cette ville, je suis une thérapie. Je ne vais pas bien, vraiment pas bien. Je ne guéris pas, je ne guérirais jamais. Je fuis, j'ai peur de tout, je reste cloîtré chez moi, j'étudie à la maison, j’ignore à quoi ressemble mes voisins. Je suis folle. »
Elle soufflait à la fin de son monologue, ça lui faisait toujours tellement de bien de se libérer de toute cette souffrance. La jeune femme brune présente à côté d'elle, sa psychologue, lui adressait un sourire qui était censé l'encourager.
« C'est très bien, Eileen. On se revoit dans deux jours, en attendant, faites bien vos exercices, vous vous sentirez de mieux en mieux chaque jour, vous verrez. »
C'est sur cette parole qu'Eileen-Rose ou Ebony, à votre guise, se leva, salua sa psy et sortit. Comme chaque jour, elle se précipitait chez elle pour se couper du monde.