« Je suis désolé, madame O'Connel » Le médecin disparaît et je vois ma femme fondre en larmes. Moi, je croise les bras et mon regard disparaît sous mes pieds. Je laisse la buée de ma respiration faire la conversation à ma place. Je sais qu'elle voudrait que je prenne place à côté d'elle et que je la prenne dans mes bras, comme un époux attentionné, mais elle me prend pour qui ? Mon regard est aussi fuyant que cette pluie qui martèle les vitres. Elle doit croire que c'est ma faute ? C'est pour cela qu'elle me dévisage avec insistance. Je lève soudainement les yeux au plafond. L’hôpital me semble désert maintenant. Je déteste l'entendre geindre de cette manière. Je serre les dents et je n'ai qu'une envie c'est d'exploser. Elle arrive enfin à ouvrir ses charmantes lèvres submergées de ses larmes salées. « Tu...Tu dois être content ? C'est ce que tu voulais, je présume... » Je mords l'intérieur de la bouche et je laisse le sang m'étrangler car beaucoup de mots fussent à l'intérieur de mon crâne. Puis-je traiter ma femme de Garce ? Voir même de Pute sans âme ? Non...Je passerais pour le dernier des salauds. Je prends sur moi, mes doigts s'enfoncent dans mon pull. Je sens mes ongles atteindre ma peau. Je m'y enfonce comme si c'était du beurre. Je l'observe chercher dans son sac. Est-ce qu'elle cherche un mouchoir ? Si elle pense que je vais lui en offrir, elle peut rêver. Je la vois plutôt sortir son portable et se lever. Elle passe une main dans ses magnifiques cheveux couleur d’automne, son parfum délicieux parvient jusqu'à moi. Peut-on détester et vouloir une personne si fort que son cœur saigne ? Mon regard chancèle devant ses larmes qu'elle essaye d'effacer d'un revers de manche. Peut-être que je peux la prendre dans mes bras ? Juste pour cette fois ? « Il faut que j'appelle Tyler...Il faut qu'il sache... » Je n'arrive pas à me retenir et mes mots lui sautent à la gorge avant même que je puisse les museler. « Mais, vas-y, appelle ton amant. Moi, je me casse. Et, tu avais raison tout à l'heure. Je suis très content que tu es perdue son bébé. Maintenant, si tu veux bien, j'ai notre fils à aller chercher à son entrainement.»

« Mais, bien sûr, je l'ai tué ! Vous prenez pour un con ? Tout le monde savait qu'elle me trompait. Toute la ville connaissait nos disputes mémorables. J'aurais été le dernier des abruties si je l'avais fait...» « Vous semblez pas prendre vraiment cela aux sérieux, monsieur O'Connel. Vous êtes inculpé de meurtre au premier degré. Vous risquez la peine capitale.» Je souriais et cela même si j'étais dévasté. C'est pas ce minable flic qui allait comprendre que j'avais toujours eu un problème avec l'épanchement de sentiments. Il fallait pour cela remercier mon père qui m'avait élevé à la dure et qui me frappait dés que je versais une larme. «Vous semblez même pas affecté... » Comment pouvait-il penser cela ? Ma femme était morte, la mère de notre enfant et avec cela plus de dix ans de vie de couple. Qu'est ce qu'il croyait, cet enculé ? Que je serais resté avec une femme qui me trompait si je l'avais pas aimé au point d'en crever ? Oui, j'avais de l'affection pour elle, mais jamais je ne pourrais le dire à haute voix. On se hurlait dessus. Elle me balançait de la vaisselle au visage et me griffait parfois, toutefois j'aurais jamais pu lever la main sur elle. « Très bien, vous m'obligez, Monsieur O'Connel a employé les grands moyens. » Le flic à l'odeur de poulet faisandée me balança sur la table ses photos que j'arrivais à peine à comprendre. J'approchais mes doigts de celles-ci, tirant sur les menottes qui commençaient à me lacérer les poignets. Cela faisait combien de temps que j'étais menotté dans cette pièce ? Quarante-huit heures ? Mes pupilles se dilatèrent. Mon cœur loupa plusieurs battements. J'étais vétérinaire. J'en avais vu des choses barbares. Mais ce corps découpé...C'était le sien ? Des membres éparpillés entre les feuilles jaunies de manière si horribles que mon visage est devenue blême. C'était tout ce qu'il restait de ma femme ? Quelque chose d'étrange est venue tirer sur mon visage, mes yeux se sont gorgées de ce liquide que j'avais oublié. J'ai pris mon visage dans mes mains et j'ai pleuré comme un gamin. « Je l'ai pas tué...Jamais je n'aurais pu...Je l'aimais trop, bordel ! »

« Dégagez de mon cabinet, bande de charognards. » J'ouvrais en grand la porte et je n'hésitais pas à soutenir le regard de cette assistance qui restait dans l’incompréhension. Je pointais la sortie et je jetais l'une de mes clientes dehors sans la moindre considération. J'empestais l'alcool et j'emmerdais toutes ces femmes de bonne famille qui me mitraillait du regard. Il était neuf heures du matin et j'étais complétement torché. Mes secrétaires semblaient consternées. Elles essayaient de calmer la grogne générale. Mais, je m'en moquais bien de mettre dehors mes dernières clientes. Elles pouvaient repartir avec leurs clébards et leurs chatons malades. « Vous êtes sourds ? Sortez ! Prenez votre fric et allez vous faire... » Je me penchais en avant car j'avais envie de vomir mes tripes. Le whisky ne me réussissait pas tant que cela. Je voyais mon cabinet se vider et je claquais la porte avec fracas. « Et, vous aussi rentrez chez vous. Pas envie de bosser aujourd'hui. » Mes secrétaires commençaient à me connaitre, elles semblaient même triste pour moi. Je me demandais comment elles pouvaient encore travailler pour moi ? Tout le monde me détestait dans cette ville ou en tout cas pensait que j'avais tuer ma femme. Je fermais les stores. Je me posais dans mon fauteuil. Je sortais une bouteille et un verre du tiroir de mon bureau. Cela faisait maintenant un an qu'elle était morte...Je laissais retomber ma tête sur mon bureau. Je jouais de mon doigt avec mon verre et je ne remarquais même pas que mon fils venait de rentrer et qu'il me scrutait sans rien dire. Je levais les yeux trop tard. « Papa...Tu devrais rentrer à la maison. C'est pas un bon jour pour être dehors. » Je me levais et je le prenais dans mes bras car j'avais jamais eu peur de montrer mes sentiments à mon fils. Je l'ai embrassé sur le front et j'ai plus voulu le lâcher. Il sentait comme sa mère...Une odeur de paradis...